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24/02/2025

Salomone et Zidrou démontrent, dans « La Crevette », que l'amour ne se mesure pas !

24/02/2025
Par Gilles Ratier

Encore une BD de Zidrou qui mérite largement le détour, d'autant plus qu'elle est fort bien mise en images par le talentueux Paul Salomone… Cette fois-ci, le prolifique scénariste aborde un sujet plutôt tabou : la taille du sexe des hommes et celle des poitrines des femmes ! Pour ce faire, avec son sens de la dérision habituel, il fait conter une savoureuse romance à l'eau de rose par une mannequin de la vitrine du magasin Divine : boutique parisienne de lingerie fine — « le papier d'emballage de l'amour ! » — offrant le meilleur en matière de dessous affriolants, en cette fin des années 1950… Une époque où les tentatives féminines de libération par rapport à la nudité étaient à peine en train d'éclore !

Aline, la nouvelle et jeune dactylo de Monsieur Séraphin, l'élégant et exigeant patron des lieux, lequel a en horreur les enfants et les retards, va découvrir, par inadvertance, un petit secret que même les mannequins de l'officine ne connaissent pas… Un tout petit secret, presque anodin, pas plus gros qu'une crevette !

Chaque matin, à son travail, la charmante Aline retrouve son amie vendeuse Brigitte qui, contrairement à elle, a une poitrine plutôt opulente (ce qui complexe quand même un peu notre héroïne !), la gérante madame Ledoyen aux jolies répliques appropriées à l'environnement, ou encore Augustin : le dessinateur de la maison, qui en pince discrètement pour elle.

Or, ce jour-là, Monsieur Séraphin est en colère.

Son approvisionneur belge vient de lui annoncer que sa livraison de la nouvelle collection printemps-été est en retard, car le camion qui devait le fournir depuis la Belgique a eu un accident, en voulant éviter un Gille de Binche : un personnage de carnaval, populaire en Wallonie, qui se trouvait au milieu de la chaussée !

Et voilà que, pour tout arranger, un bambin de cinq ans fait irruption dans son atelier : donc, le sang du boutiquier dandy ne fait alors qu'un tour !

La colère directoriale semblant être retombée, Aline se rend aux toilettes et pousse la porte qui n'était pas fermée : c'est là qu'elle aperçoit son redoutable et dirigiste boss assis sur la cuvette des w.c., laissant apparaître ce micropénis qu'elle n'aurait jamais dû voir…

Certes, ce récit prônant la diversité des corps — en effet, ce n'est pas parce qu'on n'est pas gâté par la nature que le bonheur est inaccessible — aurait pu très vite verser dans le grivois ou la pantalonnade… Toutefois, le touche-à-tout Zidrou (1) et son complice dessinateur Paul Salomone (2) ont vraiment fait, ici, dans la dentelle de Bruges : leur adorable « Crevette » (qui pourrait bien appeler une suite…) devenant une délicieuse idylle, doublée d'une truculente satire sociale, sans la moindre once de vulgarité, enluminée par de jolies images semi-réalistes délicatement aquarellées avec des teintes pastel.

Gilles RATIER

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